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revendeur Scott Running: GAVAND SPORT à Clairvaux-les-lacs (39)

dimanche 5 août 2012

Qui est Bruno Brunod


Le Cervin
Bruno Brunod, 48 ans, marié avec Enrica, 4 enfants, double champion du monde de Skyrunning en 1996 et 1998 ( voir la vidéo) et détenteur de plusieurs records de montée et descente (Cervin en 3h14'44", Monte Rosa, Aconcagua, Kilimanjiaro).
il s’entrainait deux fois par jour, avant le lever et après le coucher du soleil, parce que dans la journée il faisait le maçon. De lui sont désormais proverbes : l’appétit, la bonne humeur, la résistance à la fatigue, et un certain nombre d’histoire devenues des légendes que les vieux racontent le soir aux enfants.

BRUNO BRUNOD à travers ses paroles

un jour quelqu’un a dit de moi que je devrais être mort, parce que j’appartiens à un autre siècle. Je ne pense pas qu’il voulait dire que je suis vieux car lui-même n’est pas plus jeune que moi. Je pense qu’il se référait au type de vie que j’ai fait. Maintenant il insiste que je  raconte ma vie et ma carrière sportive. Il dit qu’il faudrait la faire connaitre aux jeunes d’aujourd’hui, ceux qui veulent devenir des champions tout de suite, sans faire de fatigue. Je me souviens qu’une chose du genre me l’a dit aussi l’évêque d’Aoste. Alors comment peut-on dire non, si deux personnes te la demandent. L’un est l’évêque ; et les évêques, on le sait, il faut se les mettre dans la poche. L’autre, nous sommes amis depuis 13 ans et nous nous sommes connus en 1990 à l’arrivée de la « Marche de Dondeuil » a Gaby. Nous sommes allés ensemble au Mexique, en Argentine, en Afrique. Souvent nous nous sommes entrainés ensemble. Une fois je l’ai emmené faire le parcours d’entrainement spécial que je me suis inventé : de haut en bas, à pique par la conduite d’eau qui porte aux turbines de l’énergie électrique. Quand il a regardé en bas, il s’est mis à rire et il m’a dit : « t’es complètement fou ! ». Même à lui, je ne peux dire non, et voici mon histoire.

Je suis né à l’hôpital d’Aoste en 1962. Ma mère a élevé seule 5 fils. Comme ma mère avait des vaches, nous habitions en hauteur au dessus de Chatillon, sur le mont Zerbion. A la maison, nous avions du cellophane aux fenêtres parce que le verre coutait trop cher. Jusqu’à l’âge de huit ans, j’ai vécu sans l’électricité à la maison. J’allais à l’école, mais j’aimais rester dans mon coin. J’étais un peu sauvage. Après l’école, je travaillais à la maison. J’aimais emmener les vaches au pré l’été. Nous avions un alpage à une demi heure de chemin de la maison, toujours sur le monte Zerbion mais plus haut. Ou bien je faisais les allers-retours maison-Châtillon avec les courses ou pour porter le lait. Il y avait près d’une heure de montée et peut-être ce sont ces allers et retours continus qui m’ont rendu aussi fort en montée.

Un Jour, j’étais sur l’Alpage et j’ai eu la chance d’avoir  entre mes mains un vieux journal qui racontait les exploits de Coppi et Bartali. J’ai été comme foudroyé et J’ai tout de suite décidé que je deviendrais moi aussi un champion, quelqu’un de qui on racontera les exploits. Je suis descendu dans la vallée et j’ai acheté une bicyclette. Mais ils m’ont roulé parce que c’était un vieux biclou très lourd. Mais ça, je l’ai compris par la suite : et j’ai commencé à m’entrainer seul, mais je ne savais pas trop comment faire. Mon entrainement de base consistait à charger des briques qui servaient aux travaux sur l’Alpage ; et puis monter avec mon vélo de Chatillon, jusqu’à où s’arrêtait la route. Le dernier tronçon jusqu’à l’alpage, je devais le faire à pied. Quand ils m’ont appelé pour faire le service militaire (comme chasseur alpin), je me suis retrouvé à Courmayeur, au siège du groupe sportif, mais pas comme athlète, moi, j’étais simple soldat et homme à tout faire. Un jour on m’a ordonné de couper le gazon devant la maison du général ; mais moi avec les machines électriques, je n’y arrivais pas. Alors j’ai dit à mon sergent, le sergent Stuffer :

« Sergent, si vous me laissez aller à la maison pour prendre la faux avec laquelle je fais les foins, je vous ferai un travail que le général appréciera »
"Et comment tu vas aller chez toi, si tu n’as pas de voiture?"
"En vélo, Sergent"
"Et combien de jour il te faudra pour aller jusqu’à Chatillon et revenir?"
"Sergent, si vous me laissez partir maintenant ce soir je serai de retour".
Le sergent se mit à rire et me laissa partir. Quand il me vit revenir déjà dans l’après midi, enjambant mon vélo, avec la faux et deux bouteilles de vin pour lui dans mon sac à dos, il fut surpris et me dits seulement :

"Soldat Bruno, tu es un talent naturel. Dans 10 jours, il y a une course cycliste réservé aux athlètes professionnels du groupe sportif. D’aujourd’hui, tu es promu Athlète et donc je t’inscris aussi à cette course ».

L'important n'est pas de gagner
 mais s'engager à fond
Le jour de la course je me suis présenté avec ma charrue sur la ligne de départ. Les gens riaient. Les autres avaient des beaux vélos et des jambes musclées et épilées. J’avais peur, mais le sergent m’encouragea. Au départ, trop émotionné, je suis tombé, et les autres disparurent au premier virage. Me pris alors la rage, peut-être parce que j’étais pauvre, et peut-être parce que je me sentais aussi humilié, j’ai sauté sur mon biclou, j’ai repris le peloton, et à la première montée, je les ai tous distancés et j’ai gagné avec plus d’une minute d’avance sur le second.

Ma carrière sportive a commencé ce jour là. Je suis devenu un vrai cycliste (avec un vrai vélo) et amateur j’ai établi des records dans les montées chronométrées qui tiennent encore aujourd’hui. Je courais dans l’équipe de Claudio Chiappucci et en stage, nous partagions la même chambre. Ensuite pour être professionnel, ils m’ont envoyé dans une équipe en Lombardie : là, j’ai vu des choses qui ne m’ont pas plu et j’ai alors décidé d’arrêter le cyclisme. Je suis retourné à la maison et je suis resté tranquille pendant quelques années. Comme Sport, je jouais au Tzan, qui est un jeu traditionnel du Val d’Aoste, une sorte de base-ball où tous sont fous, hurlent et semblent des Zoulous. Ce n’est pas que cela me plaisait, et il me manquait encore quelque chose. Comme –ça j’ai commencé à courir en montagne. Les montées m’ont toujours plu ; peut-être parce qu’elles correspondaient un peu à ma vie. Petit à petit, j’ai commencé à courir toujours plus haut : les courses traditionnelles de montagne ne me suffisaient plus et j’ai abouti sur les courses de hautes altitudes. En 1995, j’ai établit le nouveau record de montée /descente du Cervin: je l’ai grimpé en 2h 12' 29'' et je suis descendu en 1h 02' 15''. Je l’ai abaissé de plus d’une heure. Ensuite, j’ai couru sur toutes les montagnes du monde: Malaisie, Etats Unis, Mexique, Argentine, Tanzanie, Tibet, Nepal.... j’ai gagné le circuit mondial des courses en 1996 et le championnat du monde en 1998.

Aujourd’hui, beaucoup de préparateur voudraient prétendre d’avoir le mérite de mes exploits. Sans fausse modestie, je crois que ce qui m’a été utile vraiment ce ne sont pas les programmes ou les conseils d’un tel ou une tel, mais d’avoir appris du plus jeune âge à aimer la fatigue et les sacrifices. Je sens que cela dépend de la vie que j’ai eue. J’en suis certain. J’en ai parlé souvent avec l’auteur de ce livre. Je pense qu’un jour, j’écrirai aussi un livre pour raconter ma vie : qui a été pleine de fatigue mais belle. Parce que j’ai toujours apprécié tout ce que j’ai réussit à avoir. J’ai toujours travaillé même quand je préparais les championnats du monde : je e levais à 4h00 du matin, je m’entrainais, j’allais au chantier et le soir je m’entrainais de nouveau. Pour établir le record du Cervin, j’ai d’abord grimpé 30 fois cette montagne. Devoir travailler et s’entrainer à la fois, ne m’a jamais parut être une malédiction mais presque l’inverse : parce que devoir s’habituer a faire des sacrifices, m’a rendu plus fort que tous.

En course, les autres lâchaient un peu avant moi. Quelqu’un se plaint de la dureté des entrainements : pour moi s’entrainer c’était toujours les vacances, parce que je ne cassais pas des pierres.

J’ai lu que Socrate a dit une phrase du type : «  laisse que tes enfants aient toujours un peu de froid et de faim, si tu veux qu’ils soient heureux ». Voici, ce qu’écrivait Socrate, mais je le pense moi aussi.

 

La fatigue, avoir peu de chose, les sacrifices, m’ont enseigné à donner la juste valeur aux choses. Aujourd’hui, j’ai 4 enfants qui n’ont pas eu la vie que j’ai eue. Cela me semble un bien, mais des fois, je n’en suis pas sûr. Moi, je ne les pousse pas à faire du sport : je les laisse faire ce qu’ils veulent, même si je suis très heureux si je vois que le sport leur plait. Une chose que je dois dire : je ne supporte pas les parents qui poussent leur fils vers le sport. Je crois que le sport à haut niveau est fait pour ceux qui ont en eux comme un grand désire. Beaucoup me demande d’entrainer mais ça me plairait d’emmener les jeunes, même les enfants, à la montagne avec moi. Leur enseigner à l’aimer et à la respecter, à l’apprécier comme j’ai fait moi. Qu’après, la suite, si elle doit venir, elle vienne toute seule.

 

Bruno Brunod